Aux origines des Vazimba : Michaël Randriamaniraka – anthropologue passionné de l’histoire d’Amoronkay
Rien de mieux qu’un originaire d’Amoronkay, Michaël Randriamaniraka, pour évoquer son histoire. Retour à l’époque des grands royaumes indonésiens, remontant l’Ikopa ou entrant par Maroantsetra pour finir dans le Fanongoavana.
De quelle époque date la présence Vazimba à Madagascar ?
Tout d’abord, l’expression « proto malgache » est inappropriée. Cela donne une idée de rabaissement, comme « protozoaire » par exemple. Quelque chose d’incomplet. Cela exprime la dégénérescence. Le mieux c’est de parler de peuple primaire ou premier habitant. Selon les recherches génétiques, on a découvert des peuplements au troisième siècle après Jésus-Christ. Là, il s’agit vraiment d’installation. On peut avancer qu’il y avait déjà des présences sporadiques auparavant. A mon avis, leur présence n’était pas due à la fuite.
Dans vos recherches, vous avancez que cette civilisation avait une intention strictement commerciale ?
Comment dire qu’ils ont fui si à Kalimantan, à Bornéo, il y a encore des forêts primaires. Ça aurait été plus facile de se cacher dans la forêt. Leur présence ici a été surtout motivée par d’autres choses.
Au fond, cet intérêt a été commercial. On peut déjà parler de mondialisation. Il y avait un circuit entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie, notamment la Chine. Il y avait la « route de la soie », une route continentale. Existant depuis toujours, même du temps de l’empire romain. Bref, depuis l’existence de la civilisation. Elle passe par le désert de Gobi, au nord de l’Afghanistan et de la Turquie, en Europe de l’Est et l’Inde du Nord également.
L’opportunité de la mer a ainsi toujours joué un second rôle dans le commerce mondial de cette époque, donc la « Route de la soie » a été décisive ?
Quand l’empire de Byzance a été renversé, alors la « Route de la soie » est devenue insécurisée. Elle a fini par être abandonnée. Le circuit s’est réorienté vers la mer, au sud donc. Par Singapour, l’Indonésie, il a suivi les côtes de l’Inde du Sud, jusqu’en Arabie. Il est entré par l’Afrique et enfin par la Méditerranée pour atteindre l’Europe. Cette route est dénommée « Cinnamon road ». A cause de ce circuit, d’énormes opportunités se sont créées pour l’Asie du Sud-est. D’ailleurs, jusqu’à maintenant, Singapour abrite encore un des plus grands ports du monde. Mais, ce nouveau circuit a aussi ouvert le bassin Océan Indien, il est devenu une route.
Du coup, l’Indonésie a été un carrefour incontournable, mais à qui profitait-il ?
Les Chinois ont également trouvé des opportunités en Afrique, surtout pour le commerce des esclaves. Cependant, ils ont vendu de la porcelaine dont on peut trouver des traces jusqu’au Ghana. C’est là que la civilisation des « Vahoaka » fait son entrée, les premiers « wak wak », puisqu’ils sont arrivés jusqu’à Madagascar. Ce sont des Austronésiens qui servaient d’intermédiaires.
Les Chinois arrivaient en Indonésie pour acheter, les Indonésiens voyageaient jusqu’en Afrique. C’étaient de simples commerçants, et non des esclavagistes. Dans ce processus, il y avait deux choses importantes : les ports et les comptoirs commerciaux. Puisqu’il fallait sécuriser la navigation alors, il fallait mettre en place un comptoir, dénommé l’empire de Srivijaya très puissant au huitième siècle. La capitale était Palembang, à Sumatra en Indonésie.
Et c’est là que les premiers « Vazimba » sont entrés en jeu…
La logique veut que lors d’une expédition, il est impératif de sécuriser les cargaisons. Alors, il y a eu les Dayaks, ce ne sont pas des commerciaux, ni des navigants. Ce sont des farouches guerriers, vivant dans les terres centrales de Bornéo. Et les Iban, appartenant aux Dayaks, ils vivaient dans les régions côtières. En fait, « Iban » veut dire « bas » ou « iva » en malgache.
Ils avaient deux qualités, savoir se battre et maîtriser infailliblement la forêt. Ils sont très efficaces et rapides pour percer la forêt. Alors, quand ils sont arrivés à Maroantsetra par exemple, les princes, les nobles, les navigants et les commerçants n’étaient pas capables d’entrer en profondeur dans la végétation. Mais ces Dayaks étaient aguerris pour cela, alors, ce sont eux les « Vazimba ».
Ce qui veut dire que les premiers migrants venus d’« Indonésie » étaient variés ?
En Indonésie, il y a une civilisation dénommée « Barimba », « rimba » veut dire forêt. Ici à Madagascar, on dit « mirimbarimba » ou « mikirimbarimba » pour dire vadrouiller en forêt. Ils étaient alors des « Barimba », ceux qui maîtrisent la forêt. Les Vazimba sont similaires au « vahoaka ». Cela vient du mot « wak », « lakana » en malgache. Le « vahoaka » est une civilisation basée par la pirogue et les Vazimba basée par la forêt. Il y a aussi les Vezo ou « Bajao ». Elles sont complémentaires, vivaient dans une même géographique. Elles étaient contemporaines de cette époque mais avaient leur civilisation distinctive. A un certain moment, ils ont été utilisés par Srivijaya suivant les besoins de ces derniers.
Les Austronésiens arrivés à Madagascar appartenaient à plusieurs groupes humains. Pour la migration dans l’Océan Indien, ce sont les « wak wak », les « vahoaka » qui ont plus travaillé. Selon les écrits des historiens arabes, au douzième siècle, mille embarcations « wak wak » sont arrivés en Afrique et à Madagascar. Toutefois, quand il fallait pénétrer dans les terres, les Vazimba étaient sollicités, par exemple, pour entrer en Imerina. Et étonnamment dans tous les sites d’implantation Vazimba en Imerina, il y a des minerais. A Amoronkay, il y a du fer, exploité plus tard par Jean Laborde. En Imamo, il y a Ambatolahivy et son minerai de fer, à Antananarivokely, il y a de l’or.
Donc, qu’est-ce qui peut justifier en premier lieu leur arrivée à Madagascar ?
Dès lors, leur présence était pour des prospections minières pour leur « business ». Ce n’était pas pour le bois de rose, il y en a assez à Kalimantan.
Un certain Ratrimo, « émissaire des nobles » de Srivijaya, était le premier Vazimba noble connu de Madagascar ou y avait-il quelqu’un d’autre ?
Bien sûr, les nobles qui commerçaient à Srivijaya restaient en Indonésie. Je ne sais pas le contenu du « deal » entre les princes, les nobles de là-bas et les Vazimba, les Wak, il n’y a pas de traces archéologiques pour avancer quoi que ce soit. En tout cas, il y avait une implantation et de l’exportation depuis Madagascar. Le plus connu est Ratrimo, il était le chef de ceux qui sont restés dans la Grande Île, des Vazimba. Ils ont suivi l’Ikopa pour entrer à l’intérieur en terre centrale.
Après, il y a eu la guerre et l’occupation indienne, qu’en est-il comme conséquences au sein du prospère Srivijaya ?
Au douzième siècle, les Chola, hindous de l’Inde ont attaqué Srivijaya. Peut- être cela expliquerait pourquoi nous n’aimons pas les Indiens, parce que c’est inscrit dans notre « adn » historique. Quand la noblesse de Srivijaya a été démantelée, les nobles sont alors venus à Madagascar. Ils ne se sont pas enfuis, mais ils étaient en mal d’influence en Indonésie, remplacés par les Chola. Par contre, ils avaient encore une forte influence dans leur comptoir malgache. Ces nobles indonésiens étaient menés par Andriantomara, ils sont entrés par Maroantsetra.
Et Fanongoavana s’est inscrit dans l’histoire…
Et c’est là le problème. Les nobles venus d’Indonésie ont exigé obéissance, puisque le comptoir leur appartenait. Alors que les Vazimba déjà installés à Fanongoavana, ayant réussi à faire fructifier leur commerce n’ont pas abdiqué. Il y a eu une guerre. Andriantomaro a réussi à vaincre Ratrimo et ses descendants. Voilà pourquoi, Fanongoavana veut dire, deux choses qui s’entrechoquent, qui s’opposent.